Résumé : Principles for Dealing with the Changing World Order – Ray Dalio

L’ordre du monde change ! L’écart de puissance entre les Etats-Unis et la Chine semble se réduire à grand pas. Dans ce livre, Principles for Dealing with the Changing World Order,   l’investisseur et gestionnaire de fonds Ray Dalio explique pourquoi les états réussissent et s’effondrent inexorablement. Il partage des conseils pour évoluer dans ce monde changeant. Par dessous-tout, il met en évidence des principes universels et intemporels. Du fait que le contenu du livre est très dense, cette synthèse se découpe en deux parties. 

Dans un premier temps, nous nous plongerons dans une analyse des grandes dynamiques qui se produisent inlassablement en identifiant les facteurs à l’origine de ces changements.

Dans un second temps, nous dresserons une rapide synthèse de l’évolution de l’ordre mondial au cours des cinq derniers siècles qui nous amènera à étudier la situation actuelle. C’est parti !

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Résumé : Principles for Dealing with the Changing World Order – Ray Dalio

Comprendre l’avenir en s’inspirant du passé

Ray Dalio nous plonge dans une analyse fascinante des cycles historiques des monnaies et des états pour nous aider à comprendre l’évolution de monde. Malgré des différences radicales entre les époques (au niveau des systèmes politiques, des modes de vie ou des technologies…), il existe de grandes dynamiques qui se produisent inlassablement. Par exemple, on observe de multiples similitudes entre la période des années 1930-1945, la montée et la chute de l’empire britannique ou encore l’histoire des dynasties chinoises. Les mêmes mécanismes sont à l’origine de la prospérité puis du déclin de toutes les nations. Aucune n’échappe à ces cycles. Dit autrement, les phénomènes majeurs auxquels on risque d’assister au cours de notre vie se sont produits à maintes reprises. C’est pourquoi, il est pertinent d’étudier le passé pour se préparer au changement à venir.

Les schémas prévisibles d’ascension et de chute

Les grands dynamiques qui décrivent l’évolution des empires se caractérisent par : 

    • des périodes de paix et de prospérité marquées par un boom de la créativité et une hausse du niveau de vie.
    • des périodes de dépression, de révolution et de guerre durant lesquelles les luttes pour la richesse et le pouvoir entraînent des changements brutaux. 

A notre échelle individuelle, l’enjeu est de comprendre où nous en sommes dans ces cycles afin de prévoir ce qui pourrait advenir.

Les trois forces majeures à surveiller

Ray Dalio identifie trois forces à observer : 

    1. Le cycle de la dette et des marchés de capitaux à long terme car il façonne profondément l’économie mondiale. Actuellement, les faibles taux d’intérêt remettent en question la valeur de l’argent.
    2. Le cycle de l’ordre et du désordre internes, c’est-à-dire, les écarts de richesse, de valeurs et l’état du pouvoir politique. De nos jours, la situation est propice aux conflits internes.
    3. Le cycle de l’ordre et du désordre externes. Il s’agit des relations entre les différentes forces mondiales. Pour la première fois depuis des décennies, les États-Unis font face à un véritable rival (la Chine), qui progresse rapidement et remet en question l’ordre mondial actuel.

Se préparer à être surpris

Même si les transformations à l’origine des dynamiques globales sont inévitables et la plupart du temps imprévisibles, plusieurs principes restent intemporels pour s’adapter à ces changements. L’auteur structure ses enseignements en trois parties : 

    • Une synthèse simplifiée des leçons apprises en observant l’histoire des différents empires
    • Une analyse approfondie des plus grands empires monétaires des 500 dernières années
    • Une réflexion sur ce que ces leçons historiques signifient pour l’avenir.

Partie 1 : Une vue d’ensemble du fonctionnement du monde

Comprendre les grands cycles

Les mécanismes cycliques qui régissent les changements de l’ordre mondial proviennent des dynamiques économiques et politiques. Dans les très grandes lignes, ce processus comprend une phase de progression ascendante : la productivité humaine augmente, la richesse s’accroît et le niveau de vie s’améliore. Puis, il y a une stagnation durant laquelle les écarts se creusent et le pouvoir et la richesse se concentrent à l’excès. Il s’ensuit une période de récession brusque marquée par des crises, révolutions ou guerres civiles qui aboutissent à un nouvel ordre mondial.

Un monde en perpétuel changement

Les progression puis chutes d’empires sont légions au cours de l’Histoire. Autour de la méditerranée, l’empire romain s’est imposé durant les premiers siècles après Jésus Christ avant de s’effondrer. En Orient, la Chine a dominé pendant des siècles avant de décliner au 19e siècle. En Europe, le Royaume-Uni a prospéré au 19e siècle avant d’être dépassé par les Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, l’occident est en déclin relatif, tandis que la Chine renforce sa position. Bref, l’ordre du monde est en perpétuel changement.

Les 8 facteurs de la richesse et du pouvoir

Ray Dalio identifie huit critères qui déterminent la force d’une nation :

    1. L’éducation.
    2. La compétitivité.
    3. L’innovation et la technologie.
    4. La production économique*.
    5. *Sa part dans le commerce mondial.
    6. La puissance militaire.
    7. La force des centres financiers.
    8. Le statut de monnaie de réserve.
Le cycle archétypal

 

Ces facteurs évoluent tout au long des cycles. 

    • La période de prospérité est marquée par une faible dette, une cohésion sociale, une éducation solide, une paix guidée par des puissances dominantes.
    • Le sommet de la courbe se caractérise par des excès : une forte dette,un creusement des écarts de richesse, une baisse de l’éducation et des infrastructures, des conflits internes et des rivalités internationales.
    • Le déclin est une phase douloureuse de restructuration et de conflits, où un nouvel ordre se crée, ouvrant la voie à une nouvelle période de prospérité.

Du point de vue occidental, nous sommes actuellement proches de la fin d’un long cycle d’endettement. Les gouvernements et les banques centrales tentent de combler leurs déficits en empruntant et en imprimant de l’argent. Les écarts de richesse s’accroissent, les conflits se multiplient et les crises comme les pandémies mondiales exacerbent ces tensions.

Les Déterminants

Pour comprendre le fonctionnement de cette « machine au mouvement perpétuel », Ray Dalio observe les interactions entre les systèmes de gouvernance. Il établit une vingtaine de déterminants caractéristiques que l’on peut regrouper en deux principaux types : 

    • Les déterminants hérités 
    • le capital humain
Les déterminants hérités 

Les déterminants hérités incluent, entre autres, la géographie, la géologie, la généalogie et le climat, les catastrophes naturelles. Ces éléments influencent le développement et la prospérité d’une nation car ils sont la base sur laquelle elle construit son bien-être.

Les déterminants correspondants au capital humain

L’histoire montre que la manière dont les gens se comportent est le déterminant le plus important. Le capital humain est plus durable que les ressources naturelles, car il ne s’épuise pas avec le temps. Par “capital humain”, l’auteur regroupe de multiples facteurs. 

    • D’abord il y a les moteurs de nature humaine, tels que l’intérêt personnel (survie), la quête de richesse et de pouvoir, le pouvoir d’achat, la capacité à tirer des leçons de l’histoire, et l’innovation humaine (qui est la plus grande force évolutive). 
    • On retrouve également les déterminants culturels. La culture façonne les comportements collectifs et influence la capacité d’une société à s’adapter et à prospérer.
    • Les interactions entre individus ainsi que l’équilibre des pouvoirs sont également des facteurs à observer. Les écarts de richesse, les luttes de classe ou encore les cycles politiques gauche-droite ont un fort impact sur la destinée d’un pays.

L’équilibre des forces

En tout cas, le grand cycle de l’équilibre des pouvoirs se décline en cinq étapes :  

    1. La formation d’alliances autour de visions communes
    2. La guerre pour déterminer les vainqueurs et les perdants.
    3. Des luttes de pouvoir entre les vainqueurs.
    4. Une période de paix et de prospérité qui conduit à des excès et des disparités de richesse et d’opportunités
    5. Des conflits croissants qui entraînent des changements révolutionnaires et un nouveau cycle

Le grand cycle de la monnaie, du crédit, de la dette et de l’activité économique

Les moteurs de la plupart des nations et des individus sont la quête de pouvoir et la réussite financière. L’huile qui détermine l’efficacité du système sont la monnaie et le crédit. Pour comprendre l’évolution de l’ordre mondial, il est indispensable de comprendre la mécanique de l’argent.

Les principes intemporels et universels de la monnaie et du crédit 

Toutes les entités (individus, entreprises, organisations à but non lucratif et gouvernements…) partagent des réalités financières similaires. Ils reçoivent de l’argent (revenus), en dépensent (dépenses), et le solde entre les deux constitue leur revenu net. S’ils dépensent plus qu’ils ne gagnent, les options sont restreintes : puiser dans l’épargne ou emprunter pour combler l’écart. Dès lors que les actifs d’une entité sont insuffisants pour couvrir ses dettes, elle doit réduire ses dépenses ou faire face à la faillite. Le remboursement des dettes est un facteur qui a une influence majeure sur la stabilité économique.

La dette, l’équité et l’importance des banques centrales 

L’impression de monnaie par l’intermédiaire des banques centrales est un moyen de soutenir la dette et de conserver la valeur de sa devise. Avoir une monnaie de réserve confère à un pays un pouvoir économique et géopolitique immense. On appelle  « monnaies de réserve » les quelques devises largement acceptées à l’échelle mondiale, comme le dollar. En tout cas, il est capital de comprendre que la valeur des monnaies fluctue.

La valeur de l’argent

L’argent représente un moyen d’échange qui permet d’allouer les ressources efficacement et peut aussi servir de réserve de valeur. Cependant, la plupart des monnaies actuelles n’ont aucune valeur intrinsèque (ce ne sont que des inscriptions comptables modifiables) qui tendent à s’effondrer périodiquement.

Distinguer : monnaie, crédit et richesse 

Les banques centrales ont pour rôle de réguler l’offre et la demande de monnaie et de crédit afin d’influencer l’économie. Bien que l’on associe la monnaie et le crédit à la richesse, ils ne sont pas synonymes. Contrairement aux deux autres, la richesse découle directement de la productivité. Les cycles économiques sont souvent mal compris en raison de cette confusion.

Le cycle d’endettement à long terme 

Pour comprendre l’activité économique, il convient d’observer le cycle d’endettement à long terme. Il suit six étapes :

    • Étape 1 : Au départ, les entités ont peu ou pas de dettes. Leur monnaie est considérée comme “dure”
    • Étape 2 : Ensuite, la monnaie évolue au fur et à mesure de revendication (besoin de faciliter les échanges, faire des prêts/crédits…). C’est à ce moment que les billets de banque et la monnaie papier apparaissent.
    • Étape 3 : L’accès au crédit est facilité et l’endettement augmente.
    • Étape 4 : Il s’ensuit inévitablement des défauts de paiement, des dévaluations et une crise de la dette. C’est à ce moment que l’on assiste à l’impression de monnaie et la rupture du lien avec la monnaie dure.
    • Étape 5 : Cela entraîne le passage à la monnaie fiduciaire, qui accentue la dépréciation de la monnaie.
    • Étape 6 : Cette dévaluation déclenche des “bank runs” et une fuite vers les actifs tangibles
Les 3 types de systèmes monétaires

En résumé, il existe trois types de systèmes monétaires à travers l’histoire :

    1. La monnaie « dure »
    2. La monnaie papier
    3. La monnaie fiduciaire

Le premier est le plus restrictif car l’offre de monnaie dépend des ressources physiques. Le second permet une création plus facile d’argent, mais conduit souvent à des crises bancaires. Le troisième type repose entièrement sur la confiance et échoue lorsque cette confiance disparaît. Tout système monétaire traverse des cycles répétitifs durant lesquels la création de dettes se solde par la dévalorisation de la monnaie.

L’évolution de la valeur de la monnaie

Au lieu de se concentrer sur la valeur de leurs actifs financiers (actions, biens immobiliers, etc.), il est préférable de se focaliser sur les questions de valeur monétaire, car la fluctuation massive des devises a un impact majeur sur le pouvoir d’achat.

Vers une dévaluation universelle de chaque devise

Au cours de l’Histoire, toutes les monnaies se dévaluent et/ou disparaissent. Depuis 1700, environ 750 monnaies ont existé, mais seulement 20 % d’entre elles subsistent encore aujourd’hui, mais elles ont toutes connu des dévaluations. Notons deux choses à ce niveau : 

    • Les grandes dévaluations monétaires se produisent généralement brusquement lors de crises de la dette.
    • La dévaluation des monnaies se mesure par rapport à l’or, qui est considéré comme une valeur refuge stable.
Performance de la monnaie

Entre 1850 et aujourd’hui, les devises productrices d’intérêt ont offert un rendement moyen annuel de 1,2 %, contre 0,9 % pour l’or. Toutefois, ces rendements varient énormément selon les périodes et les pays. Depuis l’ère des monnaies fiduciaires modernes (après 1912), le rendement réel des devises est négatif (-0,1 %), tandis que l’or a connu un rendement moyen de 1,6 %. 

Il est particulièrement risqué de conserver de la monnaie productrice d’intérêt comme réserve de valeur à la fin des cycles d’endettement, car l’inflation peut diminuer significativement le pouvoir d’achat. On peut retenir que les monnaies perdent inévitablement de leur valeur par rapport aux actifs financiers, mais aussi face aux biens et services.

Le grand cycle de l’ordre et du désordre interne

Les comportements des individus et les relations humaines influencent drastiquement les résultats sociétaux. Chaque pays possède des systèmes qui régissent ces comportements et influencent les résultats économiques, sociaux et politiques. Cet ordre interne évolue et se répète, alternant entre des périodes de stabilité et des périodes de conflits internes.

Les six étapes du cycle interne 

Le cycle interne d’une société se déroule en six étapes :

    1. Un nouvel ordre débute lorsqu’un nouveau leadership prend le pouvoir et le consolide. La clé réside dans la création d’un système capable de générer de la prospérité pour la majorité de la population, en particulier pour la classe moyenne. 
    2. Les systèmes de répartition des ressources et les bureaucraties gouvernementales se mettent en place et s’affinent
    3. Il s’ensuite une période de paix et de prospérité
    4. Les excès apparaissent au niveau des dépenses / dette et les écarts de richesse se creusent.
    5. La situation financière se détériore et mène à des conflits intenses. Par exemple, les tensions augmentent lorsque les gouvernements tentent d’augmenter les taxes, les impôts ou réduire les dépenses.
    6. L’éclatement de mouvements révolutionnaires provoquent la modification profonde de l’ordre interne. Un nouveau leadership émerge et le cycle recommence… . 

Les pays évoluent à des stades différents de ce cycle, ce qui génèrent des dynamiques complexes qui affectent l’ordre mondial. 

Productivité, dépenses, bureaucraties, divisions

Le point capital à comprendre est que la prospérité durable d’une nation repose sur une productivité qui profite à tous. Pour cela, la création de dette et de monnaie doit être investie dans des gains de productivité plutôt que d’être distribuée sans rendement. Si l’argent est mal utilisé, cela dévalue la monnaie et réduit le pouvoir d’achat de l’État et des individus.

À mesure que le cycle avance, la bureaucratie devient un obstacle à la prise de décisions sensées ce qui augmente la difficulté à gérer les crises. Les périodes de troubles amplifient les divisions sociales et les individus se regroupant en classes rivales. Lorsque les causes idéologiques dépassent l’importance du système de prise de décision, le système est en danger. Si chacun défend sa cause à tout prix au détriment des règles, les mouvements révolutionnaires et l’effondrement sont proches. Ces révolutions surviennent lorsque les systèmes de résolution des désaccords cessent de fonctionner. Ces changements brutaux amènent à une restructuration radicale des richesses et du pouvoir politique.

Notons que les puissances étrangères ont un rôle non négligeable dans les guerres civiles puisqu’elles cherchent à influencer l’issue en fonction de leurs intérêts.

Le grand cycle de l’ordre et du désordre externe

Sur la scène internationale, les relations entre pays sont davantage dictées par des dynamiques brutales de pouvoir que par des lois ou institutions partagées. Les relations internationales reposent davantage sur la loi du plus fort que sur des institutions et des règles claires.

Les types de guerres et leurs imprévisibilité

Ray Dalio expose cinq principales catégories de conflits : 

    • les guerres commerciales/économiques
    • les guerres technologiques
    • les guerres de capitaux
    • les guerres géopolitiques
    • les guerres militaires. 

Les guerres totales surviennent lorsque des conflits liés à des enjeux existentiels (indispensables à la survie d’un pays) sont insolvables par des moyens pacifiques. La guerre décide quel camp imposera sa volonté dans les relations internationales futures.

Deux certitudes qualifient toute guerre : 

    • leur déroulement est imprévisible
    • le résultat est toujours bien pire qu’imaginé
La gestion des crises et des conflits

L’évolution de l’ordre mondial est indissociable de la force militaire et la force économique de chaque nation. Ces deux forces sont étroitement liées car la capacité à dépenser plus que ses rivaux est un atout crucial. Le risque majeur survient lorsque deux puissances possèdent des forces militaires comparables et des divergences existentielles irréconciliables. Dans ces situations, les négociations sont privilégiées puisqu’elles évitent les affrontements qui se soldent toujours par un coût en vies humaines et en ressources intolérables. L’enjeu réside davantage dans l’obtention des gains sans sacrifier l’essentiel. 

Plutôt que de s’engager dans un conflit armé direct, les nations se lancent d’abord dans des guerres économiques. Les outils financiers comme la confiscation de biens, le blocage de l’accès aux marchés de capitaux, et l’imposition d’embargos ou de blocus sont utilisés comme des armes. Ces mesures visent à affaiblir l’adversaire sans interventions armées, puis d’exploiter les faiblesses créées pour obtenir des gains stratégiques. 

En cas de guerre militaire, la capacité d’un pays à supporter la douleur infligée (en termes de pertes humaines et matérielles) est souvent plus déterminante que sa capacité à infliger des souffrances à l’ennemi. Des politiques économiques spécifiques pour maintenir l’effort de guerre, comme l’impression de monnaie, la restructuration des dettes et des programmes de dépenses gouvernementales massifs, visent également à soutenir l’armée tout en assurant la stabilité économique interne.

En résumé, les cycles d’ordre et de désordre entre les pays suivent des schémas récurrents, influencés par des dynamiques de pouvoir, des crises économiques, et des conflits existentiels. Si les relations entre nations sont moins encadrées par des lois que les relations internes, elles sont davantage dictées par la force et la résilience économique et militaire.

Conseils pour investir à la lumière du grand cycle

Du point de vue d’un investisseur, il est essentiel de comprendre que les dynamiques des marchés financiers suivent des schémas récurrents influencés par les grands cycles des nations. Conscient de cette cyclicité historique, il est impératif de se protéger contre de futurs bouleversements en diversifiant ses stratégies et en restant prudent face à l’incertitude. 

Gardons en tête que le capitalisme et les marchés financiers se caractérisent toujours par des phases d’expansion et de contraction. Quatre principaux facteurs impactent directement les fluctuations économiques globales. : la croissance, l’inflation, les primes de risque et les taux d’actualisation. Le but est d’analyser les grandes tendances à la lumière de ces quatre composantes

Pour ce faire, Ray Dalio dresse dans la suite du livre une cartographie des cycles passés pour mieux comprendre l’état actuel de l’ordre mondial afin de pouvoir anticiper les scénarios futurs.

Partie 2 : Comment le monde a fonctionné durant les 500 dernières années

Voici un résumé de l’évolution de l’ordre mondial au cours des cinq derniers siècles.

Un résumé très succinct des 500 dernières années

Le monde en 1500

Au 16e siècle, le monde est perçu comme beaucoup plus vaste qu’aujourd’hui, car les communications et déplacements sont extrêmement limités. Les États-nations n’existent pas ; le pouvoir est concentré entre les mains de familles dirigeantes exerçant un contrôle sur divers territoires. Les religions et leurs leaders exercent une influence majeure. La science moderne n’a pas encore émergé. La société est aussi nettement moins égalitaire, car constituée de hiérarchies rigides et d’inégalités profondément ancrées.

On distingue plusieurs empires mondiaux en 1500 :

    • L’Europe, où plusieurs puissances se disputent ce continent, sans qu’un ordre mondial structuré se dessine.
    • L’Asie, où des empires dynastiques (notamment en Chine et en Inde) dominent cette région du monde avec des sociétés bien établies.
    • Le Moyen-Orient, dominé par l’Empire ottoman dont l’influence s’étend sur une grande partie de l’Europe du Sud et de l’Asie.
    • Les Amériques peuplées par des civilisations indigènes comme les Aztèques et les Incas qui prospèrent avant l’arrivée des Européens.
    • L’Afrique qui se compose de royaumes et d’empires puissants, mais reste peu connectée au reste du monde notamment au niveau du commerce international.

Les événements majeurs depuis 1500

Depuis 500 ans, l’évolution de l’ordre mondial s’accélère à cause de changements profonds qui façonnent le monde moderne :

    • La Révolution commerciale (12e siècle – 16e siècle) : D’abord centrée dans les cités-États italiennes, cette période marque l’essor du commerce et de la finance modernes. Par exemple, Venise était réputée pour faciliter l’emprunt à des taux d’intérêt raisonnables.
    • La Renaissance (15e siècle – 17e siècle) est considérée comme l’une des époques les plus créatives de l’histoire. L’invention de l’imprimerie au milieu du 15e siècle permet une diffusion rapide des idées et des connaissances.
    • L’âge des explorations et du colonialisme (15e siècle – 18e siècle) : Les nations européennes se lancent dans la découverte et la colonisation de nouveaux territoires. Le commerce international s’amplifie et l’économie mondiale change. A l’inverse, la Chine et le Japon adoptent des politiques d’isolement refusant d’ouvrir leurs frontières aux étrangers.
    • La Réforme protestante (1517–1648) : Ce mouvement religieux provoque un bouleversement dans l’ordre politique et religieux en l’Europe. Il contribue à la fragmentation du pouvoir sur le continent.
    • Le nouvel ordre mondial après la Guerre de Trente Ans (1648) : Le Traité de Westphalie établit un nouvel équilibre des pouvoirs en Europe et donne naissance à une forme d’ordre international basé sur la souveraineté des États.
    • L’émergence du capitalisme (17e siècle) favorise le développement des entreprises et du commerce moderne. Les marchés et la propriété privée commencent à jouer un rôle central dans l’organisation des économies.
    • La Révolution scientifique (16e siècle – 17e siècle) : Des découvertes majeures dans les domaines de la physique, de l’astronomie et de la biologie transforment la façon dont l’humanité perçoit la nature et l’univers.
    • La Première Révolution industrielle (18e siècle – 19e siècle) marque le passage à une économie dominée par l’industrie et l’invention de nouvelles technologies (ex : machine à vapeur) qui changent radicalement les modes de production.
    • Le Siècle des Lumières et l’âge des révolutions (17e siècle – 18e siècle) : Les idées nouvelles sur les droits de l’homme, la démocratie et la raison émergèrent, ce qui provoquent des révolutions majeures.
    • Les guerres napoléoniennes et le nouvel ordre mondial qui suivit (1803–1815) : Ces conflits bouleversent l’Europe et aboutissent sur une réorganisation des relations internationales qui place la Grande-Bretagne au sommet de l’ordre mondial.
    • Les puissances occidentales s’étendent en Asie (19e siècle ) : Les nations européennes étendent leur influence en Asie ce qui marque le début d’une domination coloniale croissante dans cette région.

Pour mieux comprendre la situation actuelle, Ray Dalio revient en détail sur les cycles des principales puissances ayant façonné le monde durant ces derniers siècles.

D’anciennes puissances : les empires européens

L’empire néerlandais (le llorin)

Au 16e et 17e siècle, de multiples luttes dynastiques font rage en Europe. A la fin de la guerre de Trente Ans, le traité de Westphalie (1648) établit l’indépendance des Pays-Bas et jette les bases d’un nouvel ordre mondial, favorable aux intérêts néerlandais. Les Néerlandais deviennent une des plus grandes puissances commerciales et financières. Leur devise, le florin, devint la première monnaie de réserve internationale. Leur marché de capitaux efficaces leur permet de lever rapidement des fonds pour financer leurs guerres, leurs entreprises commerciales, et soutenir l’expansion de leur empire. 

Puis progressivement, la puissance néerlandaise décline suite à divers facteurs internes et externes, comme des rivalités géopolitiques croissantes et une perte de compétitivité. Ce déclin ouvre la voie à un nouveau cycle mondial, marqué par l’ascension de l’empire britannique.

L’empire britannique (la livre sterling)

Après les guerres napoléoniennes, le Congrès de Vienne (1815) réorganise l’Europe et consolide la position de la Grande-Bretagne comme puissance dominante. Grâce à sa suprématie navale, son empire colonial, et son dynamisme économique, l’empire britannique devint le centre du pouvoir mondial. La livre sterling prend le rôle de monnaie de réserve internationale.

Au début du 20e siècle, d’autres rivaux économiques se développent comme l’Allemagne ou les États-Unis. L’éclatement de deux guerres mondiales affaiblit les puissances européennes. La suspension de la convertibilité de la livre en or (1947), suivie de sa dévaluation marquent la fin de la domination britannique sur le système monétaire mondial. Ce déclin confirme la transition vers un nouvel ordre mondial, centré autour du dollar américain.

La puissance dominantes actuelle : Les Etats-Unis et le dollar américain

Une fois de plus, un processus révolutionnaire classique est à l’origine du succès des Etats-Unis. Des leaders emblématiques prennent le contrôle du territoire, consolident leur pouvoir, et définissent une vision pour le pays. Malgré des désaccords sur la manière d’implémenter cette vision, les dirigeants établissent un système de contrôle mutuel à travers les articles de la Confédération puis la Constitution. Ces fondements gouvernementaux sur le système monétaire, juridique, législatif et militaire permettent la montée en puissance des États-Unis. La confiance dans les institutions américaines contribuent à faire du dollar la principale monnaie de réserve mondiale, en particulier après la seconde guerre mondiale.

Tout comme n’importe quelle puissance, l’hégémonie des Etats-Unis se fragilise inexorablement. Dans les années 1970, des problèmes sur la balance des paiements, une faible croissance et une inflation élevée affaiblissent le système économique mondial basé sur le dollar. A la fin des accords de Bretton Woods, les États-Unis adoptent une politique monétaire plus stricte qui accentuent les désaccords politiques. La mondialisation et la digitalisation grandissante permettent aux États-Unis de consolider leur influence mondiale. Cependant les recours accrus à la dette scellent les bases de futures difficultés financières, comme la crise financière de 2008, suivi du boom capitaliste financé par la création monétaire. 

La polarisation politique et sociale s’accélère et engendre deux grands risques : 

    • une sorte de paralysie politique qui empêche les réformes nécessaires
    • des formes plus radicales de conflit interne, comme une guerre civile ou une révolution. 

De l’autre côté du monde, la Chine semble prendre la voie opposée et tend à devenir la prochaine grande puissance mondiale.

La puissance mondiale montante : la Chine

La très brève histoire de la Chine

L’histoire de la Chine est marquée par une succession de puissantes dynasties. 

    • La dynastie Tang (618–907) est considérée comme l’apogée de la Chine impériale
    • Les dynasties Song (960–1279) correspondent à une période d’innovation économique mondiale. 
    • La dynastie Ming (1368–1644) est une période prospère et pacifique
    • La dynastie Qing (1644–1912) est associée à la chute de l’empire Ming et à une instabilité politique

 

Le cycle dynastique chinois démontre, une nouvelle fois, le schéma récurrent de l’équilibre des pouvoirs : des leaders forts émergent pour établir un empire prospère, puis les temps de prospérité engendrent des conflits qui induisent l’émergence d’une nouvelle vision et leadership.

Une philosophie et un mode de fonctionnement à part

Malgré tout, il existe des différences fondamentales avec la culture occidentale. La pensée chinoise traditionnelle repose sur trois piliers : 

    • le confucianisme, qui prône l’harmonie dans les relations humaines, la moralité individuelle et le respect de la hiérarchie sociale.
    • le légalisme, qui met l’accent sur une autorité centralisée et une application stricte des lois. L’État doit être dirigé par un leader autocratique fort, capable de centraliser le pouvoir et d’imposer l’ordre par la force. 
    • le taoïsme, qui privilégie l’harmonie avec la nature. 

Contrairement aux “occidentaux” qui privilégient les droits individuels, le pouvoir chinois est concentré au sommet tout en étant optimisé pour le collectif. D’un point de vue militaire, la Chine aspire à éviter les conflits directs, préférant renforcer le pouvoir discrètement jusqu’à ce que sa seule démonstration suffit à obtenir la capitulation de l’adversaire. Sur le plan monétaire et économique, la Chine a traversé des cycles similaires à ceux vécus par les différents empires du monde. 

L’histoire moderne de la Chine

Dans son histoire récente, la Chine connaît d’abord un long déclin jusqu’à la montée du marxisme-léninisme en 1949. La révolution communiste de Mao Zedong marque une rupture avec un retour à la consolidation du pouvoir, la construction d’institutions, et la mise en place d’une infrastructure pour soutenir la Chine moderne. Trois grandes phases se distinguent : 

    • 1949–1976 : Mao Zedong établit les bases du communisme en consolidant le pouvoir et en créant des infrastructures
    • 1978–2012 : Sous Deng Xiaoping et ses successeurs, des réformes économiques contribuent à ouvrir le pays à l’international tout en évitant les menaces extérieures.
    • De 2012 à aujourd’hui : Sous Xi Jinping, la Chine émerge comme une grande puissance mondiale, marquée par des tensions croissantes avec les États-Unis 

Les relations entre les États-Unis et la Chine

A la lumière des cycles historiques, les États-Unis semblent être en déclin, tandis que la Chine est en pleine ascension. Ces deux nations mènent une guerre sur plusieurs fronts.

    • une guerre économique et commerciale qui s’observe par exemple au niveau de l’interventionnisme gouvernemental pour soutenir leur industrie respective.
    • Une guerre technologique visant à dominer l’innovation et limiter l’accès aux technologies critiques.
    • La guerre géopolitique s’illustrant par les efforts diplomatiques et la recherche d’alliances dans de multiples domaines
    • La guerre des capitaux. Sur ce point, l’hégémonie du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale confère aux États-Unis un pouvoir considérable.
    • La guerre militaire. Même s’il n’y a pas de conflits directs, chaque pays cherche à faire la démonstration de ses forces respectives.
    • La guerre culturelle et idéologiques à travers les médias et les différentes productions culturelles

Rappelons qu’au-delà des conflits externes, chaque nation fait face à ses propres conflits internes. Les divisions politiques, sociales ou économiques peuvent s’avérer être les ennemis les plus dangereux car elles sapent la stabilité de la nation et exacerbent les risques de vulnérabilité face aux adversaires extérieurs. Le plus important reste de se préparer aux bouleversements de l’ordre mondial, en sachant que le succès et le déclin des nations sont inévitables.

Partie 3 : Une approche prudente du futur

La philosophie de Ray Dalio revient à étudier le passé pour anticiper les événements futurs tout en se protégeant des erreurs potentielles. Son approche se fonde sur trois principes clés :

    1. L’évolution, qui entraîne des améliorations continues
    2. Les cycles, qui impliquent des fluctuations rythmiques (bulles de dettes, récessions, etc.) et des événements imprévus (catastrophes naturelles).
    3. Les indicateurs, qui aident à comprendre où nous nous situons dans ces cycles et à anticiper ce qui pourrait suivre.

Pour réussir, la clé est de parier sur les améliorations à long terme grâce à l’évolution, tout en restant prudent face aux imprévus et aux cycles économiques sur le court terme.

S’appuyer sur des indicateurs “clés”

Pour identifier les changements de paradigmes majeurs et s’y adapter, l’auteur partage quelques indicateurs de qualité pour faciliter cette anticipation :

    • L’inventivité humaine. C’est un facteur clé du progrès. Une révolution technique peut radicalement bouleverser l’ordre mondial
    • Le cycle de la dette, de l’argent et des marchés de capitaux. Le but est de regarder la dévaluation des actifs des créanciers et le rendement des dettes par rapport à l’inflation.
    • Le cycle d’ordre et du désordre interne. Fondamentalement, la paix est rentable alors que les conflits sont coûteux. En tout cas, c’est toujours le plus fort qui contrôle le pouvoir
    • Le cycle d’ordre et du désordre externe. Pour un avenir proche, le risque de destruction mutuelle devrait empêcher une guerre militaire totale. Toutefois, des escarmouches dangereuses sont à prévoir, à moins qu’une avancée technologique majeure ne rompt cet équilibre.
    • Les actes de la nature. Les événements naturels sont une variable imprévisible qui doit être prise en compte dans l’analyse des futurs possibles.

En résumé, l’inventivité humaine continuera probablement de générer de grands progrès. Toutefois, des cycles économiques, des tensions internes, externes et les actes de la nature engendreront des défis importants. L’évolution des nations variera en fonction de leurs réponses à ces forces concurrentes.

Zoom sur la situation actuelle et prévisions

Ray Dalio répertorie les grands indicateurs à suivre pour évaluer la santé et la trajectoire des différents pays du monde, en tenant compte de la qualité de chaque indicateur. Au cours des 10 prochaines années, les dynamiques les plus importantes seront le cycle économique à court terme, le cycle politique interne et les conflits croissants entre les États-Unis et la Chine, ainsi que la réduction des interdépendances.

Encore une fois, l’avenir reste incertain. C’est pourquoi, il est essentiel de réfléchir aux différents scénarios et se préparer aux pires en cherchant à se prémunir contre les risques intolérables. 

Ray Dalio conclut en conseillant de diversifier ses investissements, prioriser la gratification différée et collaborer avec les autres pour trianguler les meilleures solutions.

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